Jeanne Dortzal

Jeanne Dortzal

Ceux qui creusent le soir

Ceux qui creusent le soir

Ceux qui creusent le soir à la façon d’un ange,
Pour en faire jaillir le jardin le plus pur
Que l’espace ait créé; ceux dont l’ardeur étrange
Echafaude leur dieu tout au sommet du mur

Pour pouvoir, à leur guise, humer dans son haleine
L’odeur de l’univers et le parfum du soir;
Ceux qui poussent le jour devant eux; ceux qu’entraîne
Le beau navire avec du bleu sur son bossoir;

Ceux qui n’ont pour butin que leur aile qui saigne
Loin des cités, loin de la gloire, loin de tout,
Ne sont-ils pas les Christ de l’avenir? Leur règne
Rebatira le temple où la lumière bout.

Que d’autres aient recueilli leurs lauriers; que l’heure,
En souffletant leur rêve, ait jeté sur leur dos
La besace et l’oubli, leur plus sûre demeure
Est ce vaste horizon d’où montent leurs credos.

“ En marge, et pour toujours” deviendra leur devise,
Ceux-là n’ayant jamais épongé leur douleur
Qu’en face du désert. La clarté qu’on divise
N’appartient qu’à la meute: eux ont gardé la leur.

Leur orgueil est d’errer parmi les solitudes.
Le sable a satisfait leur faim, rongé leurs os,
Mais ce qui bat entre leurs côtes est si rude,
Bien que sur leur épaule accourent les oiseaux.

Nul ne viendra border leur tombe. Le silence,
Comme une symphonie, en les enveloppant,
Reviendra-t-il bercer ton front qui se balance
O squelette étoilé dont la grande aile pend?

Le credo sur la montagne, 1934.



26/09/2012
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