Je me soumets
Je me soumets
Je me soumets. J'avais l'orgueil du pauvre diable
Criant merci, mais en dedans,
A je ne sais plus qui d'ailleurs, à cette table
Sans doute, lorsque mes dents
S'enfonçaient dans le pain, ce quignon-tabernacle
Doré comme un coq de Houdan.
Je me soumets. J'ai rentré la faim dans mes granges
Et j'ai tapé dessus, faut voir!
Crache le sang par tes naseaux, Douleur: les anges
Sont là, te tendrent le miroir,
Non pour que Dieu recule et pour que rien ne change,
Mais pour ta volupté d'espoir.
Je me soumets, j'attends, je n'ai plus faim, j'espère.
Faites-moi donc la charité
Des roses, doux Seigneur; elles sont pour mon père,
Qui est au Maroc, à côté
D'une pipe, et sous terre s'il vous plaît: doux repère
Quand rebondit l'éternité.
Croiriez-vous? c'est ma consolation cet homme
Mort si loin!, ah! si loin de tout,
Comme je mourrai, comme nous mourrons tous, comme
Cela doit être, car au bout
Du compte, mes enfants, que sommes-nous, que sommes
Nous? N'est-ce pas, que sommes-nous?
Le credo sur la montagne, 1934.
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