Jeanne Dortzal

Jeanne Dortzal

L'absence

L'absence

 

Ne me demande pas si je t'aime; l'absence

A laissé son sillon et je suis à genoux,

Mon immobilité n'est qu'un cri. mes yeux fous

Vont de la chambre morte à toi, sans alternance;

A force de mourir vers tout ce qui fut nous,

Je ne sais plus si j'ai pleuré. Quelle espérance!

 

Sentirai-je le ciel frémir sous mes mes paupières?

L'arbre qui prit sa source au creux de ma maison,

Donnera-t-il ses fleurs et sa jeune lumière,

Se pourrait-il que l'heure entraînât la saison

Et me fît retrouver, dans sa clarté première,

Ton souvenir, qui doit monter vers l'horizon?

 

Dieu des petits enfants et des hommes, ton règne

Pourrait-il s'accomplir! Le nuage et la fleur

M'ont fait signe et j'accours, car ma prière saigne;

Me revoici comme autrefois avec ce coeur

Qui n'en peut plus; l'amour l'enveloppe et le baigne,

J'ai refermé les bras sur le soleil en pleurs.

 

Ne me demande pas si je t'aime. Interroge

Les arbres, les buissons et les oiseaux des bois

Car eux m'ont fait l'aumône en soulevant ma croix,

Pousse la porte, il est une très vieille horloge

Qui joue avec la vie et sanglote à mi-voix:

Je n'ai qu'à la frôler pour qu'elle m'interroge.

 

"Il était une fois". Est-ce tout, mon enfant?

J'ai mal jusqu'à tomber, ne pouvant lui répondre.

Tout ce qui fut ma vie appelle et se défend;

Le ciel de l'autre hiver sur la vitre a dû fondre,

Ces murs, surtout, ces murs sont par trop étouffants,

Si le silence et Deu, ce soir, allaient répondre?

 

La croix de sable, 1927.



04/12/2012
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