Jeanne Dortzal

Jeanne Dortzal

La brousse

La brousse

 

Odeur de terre et d'hommes aux prolongements noirs,

Comme si tout le ciel suintait par ses fentes,

Ne laissant au zénith, sous d'énormes couloirs,

Qu'un vide éblouissant où les astres fermentent.

 

O broussailles du Sud, chaudes comme le vent,

Enorme symphonie où gronde la tristesse,

Et que nous écoutons, des pleurs entre les dents,

Dévorés par l'oubli que nous tenons en laisse.

 

Et tels que nous voilà, fous d'immobilité,

La prunelle agrandie à force de mirages,

Nous avons bu la vie, à même la clarté,

Dans un bouillonnement d'odeurs et de rivages.

 

Ecoutez, la nuit siffle et  ce chant est si bas,

Qu'il semblerait venir de l'autre bout du rêve;

Est-ce la solitude ou le sable qui bat?

L'illimité n'est qu'un point blanc qui se soulève.

 

Sable qui sent l'amour, le musc et les palmiers,

Qui vous mange la bouche et vous prend jusqu'aux moelles.

O trop rapide ardeur des cieux multipliés,

Spasme qui va toucher le ventre des étoiles.

 

Nous ne laisserons rien qu'une carcasse en croix

Que le désert aura pendue à ses mamelles,

Dans la fauve unité d'une terre sans voix,

Splendidement tassée au fond de nos prunelles.

 

Squelettes de la brousse aux fronts démesurés,

Vieux loups de terre ayant refait le tour du songe.

Nous étendrons les bras sous les cieux labourés,

Dans l'humus des saisons où la lumière plonge.

 

La croix de sable, 1927



12/12/2012
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