Les nomades
Les nomades
L'infranchissable a eu sa robe dévorée
Car les feux du chemin, sous l'averse et le vent,
Maintenaient leur lueur. Rien ne fut plus vivant
Que cette course à travers Dieu barrant l'entrée.
Soleil que nous buvions en écartant la terre
Afin que la minute, augmentant sa clarté,
Projetât sous ce ciel que nous avons capté
Le vieux désir qui bat sous nos fronts millénaires.
Au squelette des jours, opposant notre force,
Nous avons fui, traqués comme des louveteaux.
La faim du large et rien de plus entre les crocs,
La bête libre humant la terre sous l'écorce.
Et ce fut là, parmi la houle souterraine,
Qu'on entendit craquer la coque des soleils,
L'horizon déborda, célébrant son réveil,
Chacun planta sa tente, au hasard, dans la plaine.
Mais plus s'arquait le jour, plus la halte était chaude,
Le sable remuait dans ma gorge, en sifflant;
C'était l'heure nomade avec son souffle blanc,
Celle où le conte, au fond de nos mémoires, rôde.
Nous avons dit le vent, le silence et la dune,
Les pays arrachés comme des souvenirs,
La lumière domptée et ce qui doit hennir
Là-bas, si loin de l'homme. Et soudain, une à une,
Avec leur clapotis de perles, leurs fumées,
Le désert suspendu à leurs palmes, debout,
Sous l'averse du jour, là-bas, mais tout au bout,
Les oasis offrant leurs crêtes parfumées.
Délaissant la broussaille et le vent et les pierres,
Une étincelle d'or à nos poignets, perdus
Dans l'encens du mirage, ayant sur nos corps nus
La grande odeur qui crépitait dans nos crinières,
Nous avons poursuivi les palmes et les sources.
Ce fut la volupté tenace, les cris sourds
Jetant l'homme en travers du rêve; les détours
Pour ne trouver qu'un peu de sable, après la course.
La croix de sable, 1927.
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