Jeanne Dortzal

Jeanne Dortzal

Pour mériter la solitude...

Pour mériter la solitude...

 

Pour mériter la solitude où nous vivons,

Pour que ce ciel qui ploie ait sa valeur totale,

Avons-nous reflété, comme un soleil sans fond,

L'océan souterrain fait de lumière étale?

 

A quelle profondeur sommes-nous descendus

Pour avoir soulevé, sans bouger nos épaules,

Cet amas de tristesse et n'avoir rien perdu

Que notre étoile, errant vers d'invisibles pôles?

 

Plénitude infinie, halte des condamnés

Dont la douleur oscille et qui, traînant leur chaîne

Dans cet azur sans borne, ont pu déraciner

Ce ciel aux bourgeons morts et puissant comme un chêne.

 

Formidable recul dressé comme un vitrail

Au-delà des saisons, nous permettant de suivre

Au fond de nos cerveaux, le sourd et lent travail

Des instants merveilleux qui devront nous survivre.

 

Est-il un paradis plus rapide et plus sûr

Que cette solitude où baigne la pensée?

Dieu aurait-il bâti cet invisible mur

Pour que chaque minute en nous soit dépassée?

 

Soyons calmes et forts, de par la volonté

Qui régit la distance et gouverne les mondes.

Esclaves-dieux, gardons notre immobilité,

Et mêlant notre souffle au rythme des secondes,

 

Parcelles d'univers, atomes engloutis

Dans cette fosse bleue où le silence écume,

Demeurons sur le seuil des soleils interdits

Et que la solitude et les cieux qu'on assume,

 

Elargissant le cercle où tourne l'horizon,

Deviennent le clavier où, parmi des bruits d'ailes,

Dans l'odeur musicale et tiède des cloisons,

Le coeur frappe en cadence, au rythme des voyelles.

 

La croix de sable, 1927.

 



15/12/2012
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