Pour mon fils
Pour mon fils
Pierre Guédy
Mon fils, bloc de clarté que le printemps charrie,
Iceberg des soleils entraînant mon voilier
Vers ta plus haute cime, Espérance; pilier
Consolidant le ciel où la douleur s'appuie.
Quand nous étions là-bas, le grand chêne et le saule,
Amants de la détresse et de l'instant pascal,
Un tout petit oiseau, dans l'air matutinal,
Est venu se poser au creux de notre épaule.
C'était toi, dont le souffle, en traversant l'espace,
- Des anges voyageurs l'intime messager -
Caressait mes cheveux que Christ a fait neiger
Bien avant que la nuit emportât ma terrasse.
J'avais, il me souvient, ma robe d'aubépine:
La Seine murmurait, et ses roucoulements
Prolongeaient ton silence, ô vieux quai d'Orléans:
L'île Saint-Louis battait sous ma tempe enfantine.
C'était l'époque grandiose et lamentable,
Où la misère étant assise à nos côtés,
Nous nous passions de Dieu. Les printemps, les étés,
Posaient leur pain biblique au milieu de la table.
Nous errions bien souvent, dans l'immense nature,
Affamés comme Job, mais en revanche, enfant(s),
Baudelaire et Verlaine, en nous enveloppant,
Nous servaient à genoux, leur chaude nourriture.
Ah! si la mort, qui vint avec insouciance,
Cogner à tes volets, maison du souvenir;
Si la mort, saluant la nuit qui va fleurir,
Gravissait l'escalier que ronge le silence,
Irait-elle, à tâtons, vers la chambre embaumée
Où la myrrhe et l'encens ont laissé leur odeur,
Et tombant à genoux, avec la même ardeur
Que la vie apporta, serait-elle affamée
De pardon, comprenant que nous étions en marge
De la laideur, du lucre et du soleil commun,
Puisqu'à nous trois nous avons pu ne former qu'un,
Le voile en deuil ayant poussé l'amante au large.
Le credo sur la montagne, 1934.
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 2 autres membres