Enfant, m'a-t-on dit
Enfant m'a-t-on dit
Enfant, m'a-t-on dit, enfant qui crois en Dieu. Certes.
Car votre philosophie, hommes, n'est qu'un jeu
Pour étourdir l'esprit et saper, peu à peu,
L'immense continent gonflé de feuilles vertes.
Vos livres, que j'ai bus, ont assoifé mon âme;
Je les ai refermés avec un tel amour,
Etant fille du vent, dont j'ai refait le tour,
Pour y plonger mon front que la beauté réclame.
Pauvre être, m'a-t-on dit, pauvre être qui chemines
Loin des cités, loin des ornières, loin de tout;
Folle qui vas rêvant, sans crier casse-cou,
Que nous rapportes-tu de neuf? - Rien. Les mines
Où je descends ne renferment qu'une ou deux choses:
Un brin d'herbe, un caillou, je ne sais plus vraiment,
Sans doute la douleur, cette étoile qui pend
Comme une lampe et si riche en métamorphoses.
Croyez-moi, c'est assez pleurer pour ne rien dire.
Si chacun parcourait la terre sur ses poings,
Tous se rencontreraient. Dieu, mettant tout au point,
Moucherait ta chandelle, ô bonté qui respires.
L'Espérance, semblable à la fosse commune,
Nivèlerait les coeurs, rapprocherait nos os,
Et qui sait, si du fond des instants, les oiseaux
Ne viendraient pas chanter ainsi que de coutume?
Petite, m'-t-il dit, ah! petite, petite...
Mais ces mots-là, le vent les mit dans son coffret...
C'était un, qui est dans le trou où il fait frais,
Et au-dessus du trou pousse la marguerite.
Le credo sur la montagne, 1934.
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