Hâte-toi
Hâte-toi
Hâte-toi, la mort est rapace,
Et réclame, à grand coup de pelle,
Ses anciens amants. Courbe ton aile,
Enfonce-toi dans plus d'espace,
Tu retrouveras ta chapelle.
Qu'on te suive ou non, que t'importe.
N'as-tu pas, pour braver la mort,
Le vent qui siffle sous ta porte,
Ce collier d'arbres, plus encor,
L'amour qui gonfle ton aorte?
Crois-moi, tout est préférable,
Même le pain mouillé de pleurs
A la vermine qui s'attable
Sous l'amoncellement de fleurs
Qui s'achève en odeur d'étable.
Si la mort souffle, ôte sa laisse;
Menace-la de ton plain-chant:
S'enfuira la vieille maîtresse,
Sous la pluie ou l'or du couchant,
Pour s'en retourner à confesse.
Et toi, mon enfant jaloux, folle
Aux longs yeux de sable; bandit
Qui détrousses le soir; qui voles
Ce pur joyau du paradis:
Le Silence aux mille corolles;
Ne crains rien, nous tenons la torche
Pour le jour, où sans apparat,
Ton cercueil franchira le porche
Du printemps qui te saluera,
O grande rose qu'on écorche.
Tu te figurais, pauvre terre,
Que ton poète irait tout droit
Dans la boîte, où seul peut se taire
Ce squelette ayant eu si froid,
Mais que fais-tu de sa lumière?
Il serait temps que la caillasse,
La boue et tout le tremblement
Qu'on nous impose fîssent place
A Dieu, qui fuit, tambour battant,
Un caillot sur sa Sainte-Face.
Simplicité, reprends ta bible.
Tes funérailles, ô Douleur,
Ne réclament que ce paisible
Geste. Tout là-haut, est la fleur
Que lancera l'Intelligible.
Quand je m'en irai sans encombre,
Sous mes voiles d'officiant,
Qu'on récapitule le nombre
De soleils qui doraient mon sang
Depuis l'heure où, sortant de l'ombre,
J'ai conservé sous mes aisselles
La pitié qui mouille mes os.
De ma naissance à ce coup d'ailes,
Quelle battue! O mes oiseaux,
Recevez-moi; mes nuits sont telles
Qu'au premier cri, mais sous ma tempe,
Où la nature a sommeillé,
Demeure une invisible lampe.
Que la mort quitte ses souliers;
Ange du soir, tiens bien la rampe,
La boîte où fume ma jeunesse,
Pourrait glisser contre mon toit.
Laisse pendre ta forte tresse,
Ne me demande pas pourquoi
Ma vie a détaché sa laisse,
Il le fallait, ma pauvre amie:
Encore une heure, et nulle trace
Du vieil enfant buveur d'espace,
Du vieil enfant, dont l'accalmie
Te salue, ô ciel qu'on dépasse.
Le credo sur la montagne, 1934.
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