Jeanne Dortzal

Jeanne Dortzal

Le temps s'arrête en moi

Le temps s'arrête en moi

 

         Me voici seule en face de tes yeux:

Plus rien que la tendresse énorme de la chambre.

         Un souffle intérieur plane; les cieux

Vont creusant leur alcôve, et la nuit qui se cambre

A l'air de maintenir, entre ses piliers bleus,

                Mon corps saturé d'ambre.

 

        Hier... Demain... Le temps s'arrête en moi.

Ta bouche, en me buvant, a projeté les heures

        Au-delà des soleils! Je suis en toi

Comme un métal en fusion: ma chair effleure

Un horizon si neuf, qu'il me semble parfois

        Que c'est mon sang qui pleure.

 

        Car je t'aime jusqu'à sentir craquer

Ce front qui n'en peut plus; jusqu'à sentir mon âme

        S'enlacer à ce vide et refrapper

Au grand portail oblique où ce bleu qu'on entame

Doit laisser des lambeaux. La mort peut me happer:

        J'irai, de lame en lame,

 

        Vers l'océan où les vaisseaux du soir,

Parés de mille feux, convoyeurs du silence,

        Entre deux infinis, m'ont fait revoir

Ce ciel qui brûle en toi comme une rose immense,

Et qui t'a soulevé, quand je tendais, ce soir,

        Mes deux bras vers l'absence.

 

La croix de sable, 1927.



03/12/2012
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