Le temps s'arrête en moi
Le temps s'arrête en moi
Me voici seule en face de tes yeux:
Plus rien que la tendresse énorme de la chambre.
Un souffle intérieur plane; les cieux
Vont creusant leur alcôve, et la nuit qui se cambre
A l'air de maintenir, entre ses piliers bleus,
Mon corps saturé d'ambre.
Hier... Demain... Le temps s'arrête en moi.
Ta bouche, en me buvant, a projeté les heures
Au-delà des soleils! Je suis en toi
Comme un métal en fusion: ma chair effleure
Un horizon si neuf, qu'il me semble parfois
Que c'est mon sang qui pleure.
Car je t'aime jusqu'à sentir craquer
Ce front qui n'en peut plus; jusqu'à sentir mon âme
S'enlacer à ce vide et refrapper
Au grand portail oblique où ce bleu qu'on entame
Doit laisser des lambeaux. La mort peut me happer:
J'irai, de lame en lame,
Vers l'océan où les vaisseaux du soir,
Parés de mille feux, convoyeurs du silence,
Entre deux infinis, m'ont fait revoir
Ce ciel qui brûle en toi comme une rose immense,
Et qui t'a soulevé, quand je tendais, ce soir,
Mes deux bras vers l'absence.
La croix de sable, 1927.
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