Jeanne Dortzal

Jeanne Dortzal

Au même (A Pierre Guédy)

Au même

 

Il a neigé cette nuit sur ta tombe:

Le cimetière était tout blanc;

Un fin duvet de plumes de colombe

S'éparpillait, taché de sang.

 

J'entrai, n'osant marcher qu'à pas de loup;

Grave, je refermai la grille.

Dis-moi, pourquoi tremblas-tu tout à coup,

O coeur, sous ta triste guenille?

 

Les croix semblaient souffrir dans la rafale;

J'ai dû marcher, marcher longtemps,

Pour essayer de retrouver la dalle

Où tu dors depuis le printemps.

 

La neige avait envahi les tombeaux,

J'allais toujours, courbant la tête,

Crispant mes doigts après les vieux barreaux

Rouillés, tordus par la tempête!

 

Quand j'arrivai près de ta sépulture,

Je me glissai, comme un voleur,

Pour te surprendre et revoir la torture

De tes grands yeux fous de douleur.

 

Je t'invoquai comme on invoque Dieu,

Du plus profond de ma misère:

Un long sanglot, tel un sinistre adieu,

Sembla rouler dans ma prière!

 

Elégies

(dans

Le jardin des Dieux, 1908.)



26/10/2012
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