Hiver, long souffle bleu...
Hiver, long souffle bleu...
Hiver, long souffle bleu que je bois à longs traits,
Les coudes en dehors du ciel, la bouche ouverte,
Comme si les soleils, dévalant des forêts,
Telle une meute, entraient dans ma maison déserte.
Nous sommes-nous gorgés de silence et d'odeur;
Quel festin tournoya dans tes branches repues,
Quand, d'un geste à la fois spasmodique et boudeur,
Je ranimais la flamme en écartant les nues.
Appétit du bonheur qui desserrait mes dents,
Solitude joyeuse engloutissant ma tempe,
Et qui ressuscitait ce poème en dedans
Que Dieu semblait écrire en étouffant ma lampe.
Hiver, magicien du soir et des cloisons,
Spectre en manteau de feu, dont le rire étincelle,
A l'heure où le silence, endormeur des saisons,
Voluptueusement, laisse traîner son aile.
Le printemps peut siffler à travers mes carreaux,
Son souffle bourdonner autour de mon visage,
Comme une aïeule, au bord du ciel, sous mes yeux clos,
J'éternise décembre et ce bleu qui s'éraille.
Ah! cette volupté d'être seule en plein soir,
Dans la passivité de l'âtre qui demeure,
Ce bout d'espoir que l'on grignote sans savoir,
Et qui sent bon la cendre et la saison qui pleure.
Car rien de nous ne survivra que ta clarté
O trop rapide hiver. La bûche qui frissonne
N'est que l'écho d'un ciel qui n'a jamais été.
Est-ce donc notre amour qu'à genoux je tisonne?
Le bois chante et palpite ainsi qu'un vieil enfant;
Du soleil, par brindille, illumine l'absence,
Et, secouant mes pleurs, j'écris en étouffant,
Ton nom gonflant ma gorge et moite de silence,
Jusqu'à l'instant promis, quand mes ailes battront
Dans cet espace vierge où la terre s'étire,
Que mes poèmes, eux qui m'envelopperont,
Montent comme un Credo vers la nuit qui respire.
La croix de sable, 1927.
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