La servante
La servante
La nuit dans les oreilles,
Des flocons de silence entre les doigts, j'errais.
Seul un bruit de corbeilles:
La maigre cousait dur, emboîtant le jour frais
Dans ses mains sans pareilles.
Celle-là? celle-là
M'a aimée à plein coeur, son geste de servante
M'a tenu chaud, alla
Plus loin encor: j'existe. En me cueillant ses plantes
La vieille que voilà
Dut faire mille signes
Aux oiseaux, aux forêts, aux étoiles des bois,
Pour qu'une grâce insigne
Lui fût distribuée. Humble, blanche et sans voix,
J'ai dit merci. Ces lignes,
Si tu les lis un jour
Femme, t'iront porter ces larmes qui m'étouffent;
Prends-les, avec l'amour
Que tu n'as pas reçu. Le mien jaillit par touffes,
Et s'enveloppe autour
De ta coiffe, tes yeux,
S'accrochant à ta robe, à sa poussière même;
Je voudrais que les cieux
M'entendissent pleurer, car je t'aime,je t'aime
Comme un enfant très vieux
Qui saignerait, sans mère.
Et dire que la vie est semblable, aujourd'hui,
Qu'avril est sous la terre,
Qu'en dehors du silence ou d'un bonheur fortuit,
Je suis là, sans lumière.
La croix de sable, 1927.
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