Jeanne Dortzal

Jeanne Dortzal

Le destin peut rouler sous ma tête

Le destin peut rouler sous ma tête

 

J'accepte un bout de pain, non du premier venu,

Mais de l'être qui saigne en montrant ton horloge,

O Beauté. Ma misère, avec son ventre nu,

Etonne les badauds, mais le ciel où je loge

Se repaît quand mes poings l'ont enfin maintenu.

 

De coucher en travers du jour, par tous les temps,

A musclé ma douleur au point de ressentir,

Dans la boue où l'azur, les mêmes battements

Qu'à mon premier bonheur, dont j'ai failli mourir,

L'amour ayant cassé ses crocs contre mes dents,

 

Le destin peut rouler ma tête, j'épaule

Les printemps comme un dieu, du sang à pleine bouche,

Mais libre, à la façon des soleils sous le pôle.

Ma volonté fait bloc avec l'espace, touche

L'aumône qui m'est due et sans aucun contrôle.

 

Mais vous croyez peut-être avoir raison de moi

Vous tous qui m'apportez vos écuelles d'or

Pour y tremper ma soupe? Hélas! J'ai eu trop froid

Pour pouvoir réchauffer mon coeur qui baigne encor

Dans ta saumure, amour. Tout le mal vient de toi,

 

Car j'ai distribué ton essence à vau-l'eau

A la fourmi, à l'homme, à tous les univers,

N'ayant gardé que ta râclure, vieux sanglot

Que je mâche et remâche en écrivant ces vers.

Dieu qui m'entends, je mets à tes pieds mon credo.

 

Humble comme une feuille, ayant pour évangile

Mon pardon que j'élève à la hauteur de l'homme,

Je puis creuser ma fosse, et d'un regard tranquille

Errer parmi les morts, pour leur verser ma somme

D'espérance et leur faire apercevoir mon île.

 

Le credo sur la montagne, 1934.



20/11/2012
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