Le retour
Le retour
Salut, terre adorable et triste où je suis née!
Toi, dont le chant profond berça ma destinée!
Je veux, en gravissant ton sentier rude et fier,
Saluer d'un regard tes grands bois et la mer!
Arbres, cyprès hautains qui bordez ces rivages,
Vous qui semblez monter plus haut que les nuages,
Salut! car je retrouve en vos rameaux puissants
Ce qui fit sangloter d'extase tout mon sang.
Oui, je retrouve en vous, ineffable et profonde,
La Voix qui dut bercer les hommes et le monde:
Chant de gloire et d'amour, Voix que l'éternité
Nous apporta jadis du grand Large enchanté
Et qui, passant le soir sur les forêts désertes,
Mêle tous nos soupirs au choeur des branches vertes.
Tressaille sous mes pas, terre ardente et sacrée!
Soulève autour de moi ta poussière adorée
Et que tes champs, tes monts, tes collines, tes bois,
Gardent jalousement mon rêve d'autrefois.
Tu peux sourire, ô Ciel, moi je m'incline et passe,
Car mon rêve, ce soir, a frémi dans l'espace.
Je sais que ma maison m'attend au fond des nuits,
Merveilleuse, et gardant à l'ombre de son puits
Mes oiseaux et mes fleurs, mes nids, toutes mes roses
Et que je vais souffir en revoyant ces choses;
Pourtant je marcherai bravement vers ton seuil,
O demeure! oui, je veux, malgré mes jours en deuil
Sourire à chaque objet, caresser chaque pierre,
M'enivrer du parfum qui monte de la terre,
Accueillir tous ces riens qui résument mes jours,
Et, n'ayant pour seul bien qu'un immortel amour,
Attendre sans tristesse, à l'ombre de mes arbres,
L'heure où je dormirai dans la blancheur des marbres.
Le Jardin Des Dieux, 1908.
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