Pour mériter la solitude...
Pour mériter la solitude...
Pour mériter la solitude où nous vivons,
Pour que ce ciel qui ploie ait sa valeur totale,
Avons-nous reflété, comme un soleil sans fond,
L'océan souterrain fait de lumière étale?
A quelle profondeur sommes-nous descendus
Pour avoir soulevé, sans bouger nos épaules,
Cet amas de tristesse et n'avoir rien perdu
Que notre étoile, errant vers d'invisibles pôles?
Plénitude infinie, halte des condamnés
Dont la douleur oscille et qui, traînant leur chaîne
Dans cet azur sans borne, ont pu déraciner
Ce ciel aux bourgeons morts et puissant comme un chêne.
Formidable recul dressé comme un vitrail
Au-delà des saisons, nous permettant de suivre
Au fond de nos cerveaux, le sourd et lent travail
Des instants merveilleux qui devront nous survivre.
Est-il un paradis plus rapide et plus sûr
Que cette solitude où baigne la pensée?
Dieu aurait-il bâti cet invisible mur
Pour que chaque minute en nous soit dépassée?
Soyons calmes et forts, de par la volonté
Qui régit la distance et gouverne les mondes.
Esclaves-dieux, gardons notre immobilité,
Et mêlant notre souffle au rythme des secondes,
Parcelles d'univers, atomes engloutis
Dans cette fosse bleue où le silence écume,
Demeurons sur le seuil des soleils interdits
Et que la solitude et les cieux qu'on assume,
Elargissant le cercle où tourne l'horizon,
Deviennent le clavier où, parmi des bruits d'ailes,
Dans l'odeur musicale et tiède des cloisons,
Le coeur frappe en cadence, au rythme des voyelles.
La croix de sable, 1927.
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