Conseil
Conseil
La solution? Partir ventre à terre
Vers la clarté.
Enfonce ton ciel, ton ancien repère,
Printemps, été
Se redonneront à toi. l'âme opère
En silence, son but nargue l'éternité.
Oui, vieux, voici l'heure, et cette heure est forte
Parce que Dieu,
D'un coup de reins, vient d'enfoncer la porte.
Le mauvais lieu
Vraiment, pour un poète. Fais en sorte
D'y laisser ta savate, et viens, mon fieu.
Tu sangloteras sur l palier? certes,
A croupetons,
Comme un tout-petit aux chandelles vertes,
Mais nous partons,
Et vers l'avenir, gueules ouvertes,
L'oubli sur l'épaule et sous les têtons.
L'amour? Va-t-en voir au loin s'il existe...
Moins sûrement
Que ce coup au coeur qui chante et persiste,
Quand le ciel qu'on fend
N'est plus qu'un trois-mâts aux tons d'améthyste
Qu'on gouverne seul, et par tous les temps.
Es-tu prêt, petiot? Voici mon épaule
Et son bissac;
Peut-être irons-nous au delà du pôle;
Mon coeur en vrac
Tangue, souffle, appelle, empoignant le môl
Où j'ai suspendu mon premier hamac.
Redécroche-le, mettons-nous en boule,
Front contre front
Pour oublier. Quand les soleils qui roulent
Nous reverront
Serons-nous tannés, bon Dieu! Quelle houle
Sur nos trognes: plus que deux potirons
Culottés par l'embrun et la routine,
Mais plus vivants
Que tout ce qu'on respire et qu'un devine,
Lorsque le vent
Vous plaque sous la peau et la rétine
La sensation d'aller plus avant.
D'un revers de coude essuyons nos ailes:
Le but atteint
L'oubli? Décapité. des heures telles
Sont un fortin,
Cadenassons-nous. A moins qu'on s'attelle
Une fois encore, quelque beau matin,
Pour remettre à flots ta vieille carcasse,
Bateau rangé
Dans l'estuaire fou, buveur d'espace,
Et protégé
Par ce puissant désir collant ma face
Sur tes hublots, étoile du danger.
Le credo sur la montagne, 1934.
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