La patience
La patience
Apanage légué par le Temps qui murmure
Au coeur de la forêt;
L'arbre et la pierre, amants de la nature,
Détiennent son secret
Par la Toute-Puissance qui rassure
Et les tient en arrêt.
Exemple immémorial, sublime force
Dont l'homme est le rameau.
O forêt millénaire, dont l'écorce
N'est que le premier mot
De l'alphabet magique qui s'efforce
De livrer son credo.
Soyons plus attentifs quand notre haleine
Absorbe le soleil.
L'atome initial, dieu de la plaine,
Des univers, pareil
A cette immensité, court, nous entraîne
De réveil en réveil.
Est-il plus magnifique essor que l'arbre
Auquel nous ressemblons?
Face au géant des bois, pilier de marbre,
Nous qui nous envolons,
Tenons tête à l'espace qui se marbre,
Du ciel sous nos talons.
Que la rosée offerte déracine
Toute tendance au mal.
Humons dans le terreau l'odeur divine,
Allant du minéral
Au règne insoupçonné. L'arbre devine
Le grand songe pascal.
L'ascension des feuilles et de l'être
Est semblable en tout point
A celle des astres. L'homme voit naître
Ses bourgeons de très loin;
L'oiseau et Dieu, ne formant qu'un seul être,
Se passent de témoin.
Quand je chemine à tes côtés, Lumière,
Quand je cours comme un faon,
Pour dégager mon front de sa poussière,
Suis-je bien ton enfant
Forêt du souvenir, vaste clairière
Qui me tiens lieu d'écran?
Ah! si d'avoir pleuré fit mon visage
Plus pur, plus radieux,
Qu'exigerai-je encor? L'âme est sans âge
En présence des dieux.
Rester humble, en recevant ton message
Nature; avoir tes yeux,
Ton souffle, ta candeur, ton enthousiasme,
C'est assez, n'est-ce pas,
Pour abolir la mort, sans qu'aucun miasme
N'altère mon repas
Dans la forêt des hommes, car mon spasme
A élargi mes bras.
Le credo sur la montagne, 1934
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