La rose
La rose
Amante de la Perse et des pays laineux,
Grosses gouttes d'odeur que le silence écrase,
O rose, dont le sang fait déborder ce vase,
Chaude émanation des hommes et des dieux!
Nous t'avons respirée au delà des instants,
Engloutis jusqu'au coeur dans ton parfum solaire.
Tu resplendis dans l'ombre ainsi qu'un luminaire;
N'es-tu pas la mosquée où fume le printemps?
Elargis ta caresse, exagère les nuits,
Que l'espace soit tel, qu'en rapprochant nos têtes,
Nous, les amants-félins que ta lumière allaite,
Nous te sentions monter parmi le bleu des puits.
Tu nous endormiras au rythme des baisers
Dans l'enchevêtrement des paresses bibliques;
Nos pieds nus emmêlés ne seront que musique,
Ma gazelle jouera parmi l'or des colliers.
Rose qui pris ta source au creux de mes genoux,
Qui montes et descends vers mon rêve immobile,
O nappes de parfums coulant comme de l'huile
Dans l'atmosphère dense où je vis à grands coups.
Je t'aime, sache-le, comme on aime le vent,
Le silence et la mer. Je t'ai, là, dans la gorge,
Avec un goût de miel, de basilic et d'oge,
Et jamais mon désir ne fut aussi vivant.
Tu m'arrives par lame et bondis vers ma peau,
Eclaboussant ma nuque et mes bras d'ombre rose,
Et jardin suspendu sur la grand'ville close
Je ne suis que senteurs montant vers un jet d'eau.
Voici venir mon bien-aimé, l'être aux longs yeux,
Ses reins souples rythmant la marche des secondes,
Et tel en vérité qu'aux premiers jours du monde,
Quand les soleils grondaient dans la gorge des dieux.
J'unirai ma douceur à sa lascivité,
Notre amour ne sera que myrrhe et cinnamone,
Et couchés à ses pieds ainsi qu'une lionne
Je lècherai la place où sa tête a roulé.
l'horizon maintenu sous nos doigts; l'univers,
Comme une chevelure autour de nos épaules,
Nous doublerons la vie, et cinglant vers ses pôles
Nous serons un, splendidement: Hymne à la chair
Dépassant en clarté ton acropole, ô nuit.
La croix de sable, 1927
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