Notre maison, là-bas...
Notre maison, là-bas...
On pleure... on a pleuré... je suis sûre qu'on pleure
Là-bas...
Notre maison, c'est elle, n'est-ce pas?
La si blanche?Et pourtant tout demeure
Dans l'immobilité.
Comme je me souviens! comme tout ce qui bat
A l'air de m'écouter!
Il y avait nous deux, la terrasse et le ciel;
Notre chambre était là avec ses dessins bleus;
Le jet d'eau était mort, et le silence tel
Que nos coeurs s'arrêtaient de battre par instants.
Les secondes sifflaient au-dessus de nos têtes
Dans un poudroiement d'or, de jasmin et d'encens.
Esclaves du silence et de l'enchantement,
Nos corps s'étaient parés pour l'éternelle fête.
Et ce fut là, vraiment,
Dans cette solitude indicible et sans dieux
Que se mit à chanter le plus miraculeux
Amour. O fleuve de paresse!
Blottis contre le sable, enfonçant peu à peu
Dans je ne sais quelle ombre au feuillage émouvant,
Nous avons respiré, dans toute sa jeunesse,
L'arbre de volupté.
Il n'est pas un parfum, il n'est pas une rose
Qui ne se soient donnés. Le coeur brûla sans cesse,
Illuminant l'abîme où nous devions entrer.
Si le temps, qu'on déchire à force de pleurer,
Se remettait à battre où ma maison repose,
Trouverai-je à genoux, à leur place ordinaire,
Les choses que j'aimais? Et je cherche à tâtons
Sur le seuil de ma terre
Le squelette de l'arbre et l'odeur de citrons
Qui nous enveloppaient; ainsi qu'un mendiant
J'avance au fond des soirs, en accrochant mes mains
A des murs qui s'effritent.
Mes pleurs ont dû fermer la porte de jasmin.
Je n'entends
Que le vent,
Et la nuit bat si vite
Que j'ai senti bouger son coeur en m'appuyant.
Blidah.
Les Versets du Soleil, 1921.
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