Pour Isabelle Eberhardt
Pour isabelle Eberhardt
Le cimetière d'Aïn-Seffra
Le front tourné vers l'Orient, tenant encor
Des mèches de soleil et des lambeaux de sable,
Elle dort.
Rien ne saurait briser la courbe imprérissable
D'un tel rêve. Une pierre et un nom.
Syllabe par syllabe
J'appelle et me réponds,
Ne voulant pas troubler le grand silence arabe
Qui monte de la terre.
Amant de la lumière,
Eperonnant le vide et maintenant l'espace
Sous ses étriers d'or,
Elle passe.
Le burnous qui la drape et qui baise son corps
Est blanc. Des siècles de poussière
La cernent;
Prophète du désert et de l'éternité,
Portant en berne
Le bonheur et, vers sa nudité
Faisant tournoyer Dieu, elle attendra l'instant
Réservé à tout être,
Et, saluant la mort, avant de disparaître,
Etanchera sa soif aux sources de l'oubli.
Le désert! ô néant!
Tabernacle du coeur,
Seul lieu où la douleur
A pu creuser son lit
Pour que l'homme à jamais puisse y verser des pleurs.
Etre soi-même l'horizon et d'un coup d'ailes
Franchir tout ce qui ment,
Apercevoir, de loin, l'oasis éternelle,
S'arrêter sur le seuil voluptueusement
Et repartir!
Serions-nous donc semblables
A ces oiseaux du Sud dont l'aile cogne
Au sommet du mirage?Ah! pouvoir atterrir
Au pays des cigognes
Et mourir de silence en regardant le sable!
Aïn-Seffra
Les versets du Soleil, 1921.
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