Sommeil, rive étoilée
Sommeil, rive étoilée
Sommeil, rive étoilée où le cerveau aborde;
Promontoire du rêve où vient fumer encor
Votre ombre, ô souvenirs; sommeil, archipel d'or
Où la lune et le vent laissent traîner leur corde.
J'ai humé la douceur de l'ange qui louvoie
Sous mes paupières; j'ai vu l'antre radieux,
La grotte sans issue où s'abritent mes yeux
Quand ma mémoire a pris le ciel comme une proie.
Immobile, mon coeur avait l'air de mourir,
Bien que ses battements de plus en plus rapides,
M'aient fait toucher le fond des étoiles limpides:
J'enfonçais, sans que nul ne pût me retenir.
Parfois, le vide immense auréolait l'espace,
Fleur atome et rayon, noyés dans le chaos,
Balayaient l'espérance où baigne mon cerveau:
Je m'éveillais sans qu'aucun dieu baisât ma face.
J'ai dragué la lumière invisible du soir,
J'ai jeté l'ancre au fond des mers insoupçonnées,
Pour retrouver, au creux des vagues, le miroir
Où la douleur et l'homme ont laissé leur buée.
L'amour, dressé comme un récif, face au soleil,
Faisait passer et repasser dans leur naufrage
Ceux dont j'ai bu le souffle. Mon sommeil,
Malgré ses soubresauts, étoilait leur visage.
Nuits qui m'avez portée à bras le corps, sachant
Que rien, hormis le rêve et sa fumée oblique,
Ne pouvait consoler mon front, dont la musique
N'est qu'un rappel d'un autre essor, d'un autre chant;
Nuits, ai-je mérité cette errance éternelle?
Si de l'enfance au crépuscule, l'horizon
Ne fut que ce rivage où j'ai traîné mes ailes,
C'est que mon toit n'en pouvait plus. Dieu a raison
Quand il nous berce avec des larmes. Si petite
Sous ce vaste ciel, j'ai rêvé qu'il faisait clair,
Que l'espace était peuplé d'anges, et j'ai l'air
D'avoir tout oublié, car j'ai pleuré trop vite.
Le credo sur la montagne, 1934.
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