Une diffa
Une diffa
Le mouton a gardé sa toison de prophète
Et saigne lourdement sur le sable qui fume.
Un bourdonnement jaune enveloppe la bête,
Le ventre est comme une outre où du soleil écume.
Ca sent le musc et les entrailles;
Mais, bientôt, partageant le spasme de la brousse,
Le feu viendra lécher, par petites secousses,
Cette peau qui s'éraille.
Deux Arabes, vêtus de laine et de parfums,
Serviront, sur un lit de feuilles, près du puits,
Le mouton légendaire,
Se réservant l'honneur accordé à chacun
D'apporter au Seigneur des mille et une nuits
Ce mets lourd de rayons.
Et ce sera vraiment, sous les cieux en poussière,
Un repas de lion.
Car, pour fêter l'enfant à sa septième aurore,
Le caïd a rouvert ses jardins de Sion.
On se groupe. La bête est là, fumante encore:
Des mâchoires, des dents à la chair accrochées,
Des os qui craquent, des sons rauques, un chant gras
Où des abeilles sont collées.
Mais l'aiguière d'or circule entre les plats;
L'eau du bassin retombe en gouttelettes roses,
Et les longs doigts, les doigts parfaits,
Touchent avec lenteur le voile qui repose.
Le festin continue; une mauresque chante;
Des monceaux de couscous s'engouffrent sous un dais.
Des bourrasques du soleil
Et des entonnoirs d'ombre où la sueur fermente.
La joie a déployé les ailes du sommeil,
Et, sur un air macabre, aux voyelles têtues,
Debout, formant un angle où la lumière cogne,
L'adieu du jour: le muezzin et la cigogne
Sur une ville qui s'est tue.
Lalla-Margnia.
Les Versets du Soleil, 1921
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